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Montpellier pendant la Première Guerre mondiale [1]

Etat des fonds

Presse

Délibérations

Situation économique et administrative de la ville en 1914

En 1914, le département de l’Hérault compte 4 arrondissements, 36 cantons et 341 communes dont Montpellier est le chef-lieu. Au début du XXe siècle les moteurs de l’économie départementale sont avant tout l’agriculture et la viticulture[2].

A la même époque, Montpellier compte 80 230 habitants[3] pour 483 000 habitants dans le département. La ville est un centre administratif, judiciaire, universitaire, vinicole, commercial et industriel (notamment faïence, céramique et tonnellerie)[4]. Elle est dotée d’un large réseau ferré qui rayonne dans 6 ou 7 directions différentes[5]. Depuis la fin du XIXème siècle, un Montpelliérain sur deux est né hors de la ville.

Si Montpellier n’est pas encore la capitale économique régionale qu’elle deviendra au milieu du XXème siècle, elle vit depuis 1910 une phase de prospérité grâce à la hausse du cours du vin.

©Archives de l'Assemblée Nationale

Paul Pezet[6], médecin, dirige la Ville de 1908 à 1919. Son rôle de maire pendant la guerre sera principalement d’annoncer les nouvelles en provenance du gouvernement et du front, de gérer le ravitaillement et d’organiser les soins aux blessés.

Les services municipaux de Montpellier sont alors répartis en 8 bureaux (secrétariat, finances et comptabilité, instruction publique et beaux-arts, assistance publique, élections et contributions, personnel militaire et de placement, état civil, pompes funèbres) et 10 services (architecture, voirie, incendie, bureau municipal d’hygiène, octroi, archives, musée, bibliothèque, théâtre, police). Cette organisation ne connaîtra pas de changement majeur dans la décennie suivant la fin de la guerre.

 

 

Le début de la guerre

Sur l’ensemble du territoire national, la mobilisation est annoncée officiellement le samedi 1er août 1914 et débute le dimanche 2 août. A Montpellier, elle est annoncée par voie de presse et « dans les faubourgs par des employés de la ville accompagnés de trompettes municipales et des clairons des pompiers[7] ». La lecture est accueillie partout « par des applaudissements et des acclamations ».

L’état de siège est proclamé, les maires et préfets perdent alors leur pouvoir de police au profit des autorités militaires.

Tous les étrangers séjournant en France doivent se faire connaître des autorités. Dans une ambiance de suspicion à l’égard des étrangers et de propagande antiallemande, le Maire appelle les Montpelliérains à garder leur sang-froid[8]. En effet, le 5 août, dans une note au commissaire central il évoque des « scènes de sauvagerie dont des étrangers ou prétendus étrangers sont victimes ».

Comme le reste  de la population, le personnel municipal est appelé à se mobiliser. Pour certains d’entre eux, des sursis d’appel seront accordés pour permettre une continuité dans la gestion administrative de la Ville.

Les délibérations du conseil municipal rendent régulièrement hommage au personnel mort sur le champ de bataille[9].

 

Economie

Les premières mesures prises par l’administration sont en faveur du ravitaillement, du secours aux réfugiés, des réquisitions de locaux pour l’armée et les hôpitaux. L’organisation administrative s’adapte à la situation et créée un Bureau du ravitaillement et des boucheries municipales pour faire face à la pénurie[10]. Un budget spécifique au ravitaillement des Montpelliérains est débloqué dès le 25 août 1914 et le service du ravitaillement est créé. Installé au Pavillon populaire, il est chargé de la gestion des denrées et matières de premières nécessités (cartes alimentaires, farines, pain, sucre, tabac et charbons principalement). Il permet également de réguler les prix afin d’éviter toute inflation économique et pénurie des denrées.

Les boucheries municipales, créées en 1916[11] pour une durée de 6 mois environ, dureront finalement 6 ans.

Les Montpelliérains participent de gré ou de force à l’effort de guerre, la Ville et l’administration militaire réquisitionnant les moyens de transports, carburants et logements. Les viticulteurs quant à eux doivent céder un quart de la production viticole[12]. L’économie locale tourne autour de la guerre : fabrication de machines de guerre, emploi de couturières pour habiller les soldats.

Des bâtiments publics et privés sont réquisitionnés par l’armée pour servir d’hôpitaux militaires ou de lieux de cantonnement pour les régiments ; les entreprises et commerces sont régulièrement mis à contribution pour fournir l’armée en vivres, matériaux et moyens de transport[13]. Les archives montrent la rapidité de la mise en place des mesures exceptionnelles et la réactivité de l’administration dès la déclaration de l’état de guerre.

Cette organisation économique se poursuit plusieurs années après la fin de la guerre.

 

Une ville de garnison

Au milieu du XIXe siècle, la France est divisée en 21 régions militaires. Dès leur création, ces régions servent de structure administrative permettant de gérer les recrutements militaires. La 16e région comprend les départements de l’Hérault, de la Lozère, de l’Aveyron, de l’Aude, des Pyrénées-Orientales et du Tarn. Le quartier général est situé à Montpellier où siège le général commandant. C’est grâce à cette organisation territoriale qu’une mobilisation rapide des hommes est rendue possible[14].

En temps de paix, Montpellier accueille de nombreux services militaires : Intendance, Génie, Légion, Service de Santé, Etat-major, recrutement et dépôt de matériel[15]. Plusieurs troupes y sont stationnées : 2e régiment du génie (RG), 61e brigade d’infanterie, 81e régiment d’infanterie (RI), bataillon d’artillerie d’assaut de l’Armée du Levant (dont 5e bataillon de chars légers), 56e régiment d’artillerie (RA), XVIe légion de gendarmerie, 281e régiment d’infanterie de réserve[16], 56e régiment d’artillerie (réserve) et 122e régiment territorial.

On compte environ 4000 militaires casernés en ville.

 

Les régiments montpelliérains[17] :

12 Fi 84 Musique du 56e RA

Installé à Montpellier depuis 1905, le 81e RI occupe la caserne des Minimes cours Gambetta. Il part le 7 août de Montpellier pour rejoindre Mirecourt en Lorraine. Il participe notamment à la bataille de Morhange et à la défense de Lunéville (18-23 août 1914), journées parmi les plus meurtrières de la guerre.

Le 81e s’illustrera en août 1917 lors de la prise du massif du Mort-Homme, un des points les plus disputés de la bataille de Verdun. Il perd plus de 3500 hommes pendant le conflit.

Constitué le 1er mars 1910, le 56e RA est installé au quartier Lepic. Dès les premiers jours de la mobilisation, il quitte Montpellier pour Lunéville. A Verdun, il contribuera lui aussi à la prise du Mort-Homme et de la côte 304 (20 septembre 1917). Le régiment déplore 440 tués et 42 disparus sur toute la durée du conflit[18].

Le 2e Génie, installé à la Citadelle, part également en Lorraine dès les premiers jours de la guerre. Ses compagnies ont servi à la fois sur le front français et en Orient (Dardanelles).

Les documents concernant les soldats constituent la majeure partie du fonds : enregistrement et diffusion des nouvelles transmises du front, fichier des blessés, morts, prisonniers et disparus[19].

 
Montpellier : hôpital de l’arrière

Montpellier est équipée en temps de paix d’un hôpital mixte (civil et militaire) dit hôpital suburbain Saint-Eloi, d’un hôpital général (Saint-Charles), de cinq cliniques, d’une maternité, d’un sanatorium, et d’un asile (Font d’Aurelle).

Pendant la guerre, des hôpitaux militaires supplémentaires sont créés. L’administration militaire est en charge de leur gestion. Les établissements de la région sont classés par type : hôpitaux temporaires, hôpitaux complémentaires, dépôt de convalescents, hôpitaux auxiliaires et enfin hôpitaux bénévoles (n°bis)[20]. Chaque établissement est doté d’un numéro, la numérotation est commune à la région ce qui explique la discontinuité dans les numéros des hôpitaux montpelliérains.

La ville reçoit les premiers blessés dès le 17 août 1914. Pendant la guerre, Montpellier compte près d’une vingtaine d’hôpitaux (hors annexes)[21] et le nombre de lits disponibles variera entre 5500 et 6200.

Liste des hôpitaux[22]

Hôpital mixte (suburbain)

Hôpital Général (Place de l’Hôpital Général)          

Annexes : Crèche des sœurs gardes-malades Saint-Charles, rue des Carmes

                                     Grand Séminaire, 4 rue Montels

                                     Patronage du Sacré-Cœur, 14 rue Bonnard

Hôpital complémentaire n°1 (Grand Lycée de garçons, rue Girard)

Annexes : Pavillon populaire, sur l’esplanade

                                     Cercle des Officiers, sur l’esplanade

                                     Cercle de Loge, 3 passage Bruyas

                                     Hôtel de Forton, 12 rue Jacques-Cœur

Hôpital complémentaire n°2 (Ecole normale de jeunes filles, 17 rue des Sourds-et-Muets)

Annexes : Institut des Sourds et Muets, 16 rue Saint-Vincent-de-Paul

Hôpital complémentaire n°3 (Ecole normale de garçons, 1 rue de l’Ecole-Normale)

Annexes : Carmélites, 10 rue Moquin-Tandon

                                    Dames de Nevers, 18 rue de la Garenne

Hôpital complémentaire n°10 (Lycée de jeunes filles, 31 avenue de Toulouse)

Annexe :    Notre-Dame-de-la-Merci, rue Emile-Zola

Hôpital complémentaire n°24 (Institut Prévost, rue Lunaret)

Annexes : Etablissement de la Charité, Pierre-Rouge

                                    Solitude de Nazareth, chemin de Nazareth

Hôpital complémentaire n°43 (ancien collège catholique, 13 rue Rondelet) [Ecole des mutilés, centre spécialisé de réforme]

Hôpital complémentaire n°44 (Sacré-Cœur, 24 rue Saint-Vincent-de-Paul)

Hôpital complémentaire n°48 (Institution Sainte-Marthe, rue Gerhardt)

Hôpital complémentaire n°49 (Dépôt des Convalescents, ancien Petit Séminaire)

Hôpital auxiliaire n°3 (Petit Lycée, 12 rue Lakanal)

Hôpital auxiliaire n°105 (Ecole d’Agriculture)

Annexe :    Clinique chirurgicale mutualiste, avenue de Toulouse

Hôpital bénévole n°54bis (Domaine de Clémentville, près de l’octroi de l’avenue de Toulouse)

 

Assistance et œuvres de guerre

L’annonce de la guerre provoque un élan de solidarité. Avec le concours de toutes les bonnes volontés offertes spontanément, le conseil municipal crée une commission extra-municipale chargée de la distribution des secours pour les familles privées de ressources du jour au lendemain avec « le départ de leur chef sous les drapeaux[23] ». Les Montpelliérains sont également sollicités pour financer ces secours.

Très vite, des associations nationales sont créées pour venir en aide aux soldats et aux familles victimes de la guerre (Marraines de guerre, etc.) qui ont des comités locaux. A Montpellier, le Comité héraultais de l’œuvredes mutilés de la guerreest à l’origine de la création d’une école professionnelle de blessés militaires (1915).

Mais les initiatives sont aussi locales. Ainsi, l’Œuvreméridionale des orphelins de la Guerreest créée le 19 juillet 1915 à Montpellier. Elle attribue des allocations, organise le placement en famille et veille sur la scolarité des enfants.

Pendant le conflit, des Journées nationales de solidarité sont instituées pendant lesquelles enfants des écoles, dames de la Croix rouge, associations familiales, personnel municipal et autres volontaires quêtent dans les rues.

La Journée des éprouvés de la guerre (26 septembre 1915) propose de participer à une tombola organisée par le Syndicat de la Presse Française en achetant des pochettes "artistiques" illustrées par le graveur Luc Olivier Merson.

La journée du 75 (en hommage au canon du même nom, emblème de la supériorité de l’armée française) du 7 février 1915 est organisée par le Touring Club de France qui a lancé « L’œuvre du soldat au front ». Devant le succès de la quête organisée au profit du poilu, cette action est prolongée pendant toute l’année 1915.

Les réfugiés

Dès les premières semaines de guerre, arrivent à Montpellier et partout dans le sud de la France, des convois de réfugiés serbes, belges ou français cherchant à échapper aux bombardements et à fuir l’avancée du front.

Ville étape des convois de réfugiés allant rejoindre les autres villes du sud, Montpellier porte secours aux « réfugiés de passage » souvent au détriment des réfugiés en résidence dans la ville.

Si dans les premiers mois l’accueil des réfugiés souffre d’un manque de préparation, très vite une organisation rigoureuse est mise en place. A Montpellier, le Service des Réfugiés est installé dans le Pavillon populaire et s’occupe entre autres d’attribuer les logements réquisitionnés dont la ville prendra en charge les loyers jusqu’en 1921.

Sont également mis en place, par les réfugiés eux-mêmes, des comités qui distribuent des secours en nature, essaient de reconstituer les familles séparées et permettent de maintenir des solidarités entre les réfugiés.  Le comité de secours aux Réfugiés belges est installé dans un local 19 boulevard Renouvier.

Les prisonniers

Avec plus de 6 millions de soldats prisonniers, la Grande Guerre est la première expérience de captivité massive. En France, les effectifs de prisonniers ennemis s’élèvent à environ 350 000 contre 600 000 français prisonniers à l’étranger.

Dans l’Hérault, département agricole, les prisonniers sont utilisés comme main d’œuvre. En effet, les besoins y sont importants en l’absence de la main d’œuvre locale et du départ de la main d’œuvre espagnole après les vendanges. Le dépôt central de prisonniers est situé à Béziers qui compte, en décembre 1916, 644 prisonniers ottomans. Envoyés dans différentes exploitations agricoles, ils y sont logés, nourris et payés pendant la durée des travaux[24].

Les prisonniers montpelliérains auxquels la famille ne peut venir en aide, reçoivent un colis alimentaire mensuel de la Commission de répartition des fonds de souscription du personnel de la mairie ainsi que du Comité départemental de secours aux prisonniers de guerre[25].

 

Sortir de la guerre

A Montpellier l’armistice est d’abord une rumeur : le lundi 11 novembre 1918, la France victorieuse fête partout la fin de la guerre. Le Conseil municipal est réuni d’urgence en séance extraordinaire publique. Le maire prononce un hommage aux « poilus de France » et aux organisateurs de la Victoire[26].

 

Se souvenir…

Les soldats montpelliérains n’ont pas été épargnés par les combats. S’il n’est pas possible de dénombrer le nombre de Montpelliérains tués à l’ennemi, en revanche, les archives conservent 1706 fiches de soldats ayant obtenu la distinction « Mort pour la France ».

Les dépouilles des soldats tués au front sont restées sur place. Ce n’est qu’en septembre 1920 que l’autorisation est donnée aux familles de les faire rapatrier mais cela ne concernera que 30% des corps identifiés. A Montpellier, les corps arrivent jusqu’en 1923 par convois des zones des armées pour être inhumés dans les carrés militaires du cimetière Saint-Lazare.

S’ajoutant aux sections militaires réservées aux régiments de la garnison (Infanterie, Génie), quatre carrés ont être créés pour recevoir les corps des soldats décédés dans les hôpitaux de la ville. 820 soldats « Morts pour la France »  y reposent. D’autres sont inhumés dans les caveaux familiaux à saint-Lazare, mais aussi dans les cimetières de Celleneuve, Saint-Etienne (Grammont) et au cimetière protestant.

Le monument aux morts

Dès le 18 novembre 1918, Paul Pezet propose au Conseil municipal de faire ériger un monument à la mémoire des Montpelliérains morts pour la France. Un comité représentatif de toute la population est constitué pour récolter les fonds nécessaires à sa réalisation, la Ville s’inscrivant en tête de liste avec la somme de 25 000 Francs.

Le recensement de ces soldats morts pour la France s’est avéré très difficile dès l’origine du projet en 1921. Aucune instruction n’ayant été donné au niveau national, chaque municipalité a tenté d’établir des listes de noms qui soient le plus équitable possible.

Inauguré le 6 mai 1923 sur le jardin du Champs de Mars, il est l’œuvre de l’architecte montpelliérain Jacques-Léon Février[27]. Dans la crypte, destinée à recevoir les listes gravées des Montpelliérains morts pour la France, la mairie a installé des listes provisoires que les familles sont invitées à vérifier. La Ville reçoit alors de nombreuses réclamations de familles indiquant l’oubli de leur frère, fils, père, mari sur la liste[28]. Qui fallait-il retenir ? les soldats natifs de Montpellier ? les soldats domiciliés à Montpellier au moment de la mobilisation ? les soldats décédés dans les hôpitaux montpelliérains ? Pour ces raisons, les plaques ne seront gravées qu’en 1924. Toutefois, de nombreux montpelliérains furent oubliés et aujourd’hui encore, ce recensement s’avère complexe.

Le monu