Le Peyrou
La promenade du Peyrou un lieu emblématique de Montpellier
Dernière place royale réalisée en France, elle a la particularité d’être une esplanade arborée de 3 hectares située à l’extérieur de la ville à son point culminant.
En 1685, Louis XIV désigne Montpellier pour recevoir une statue équestre à son effigie. Edifier une place royale, expression la plus achevée du discours de gloire monarchique, signifie créer un cadre digne de la statue du souverain. Les travaux de terrassement et d’agrandissement commencent en 1689. Ce n’est que 75 ans plus tard, sous le règne de Louis XV, que les travaux d’embellissement sont lancés. Le 29 décembre 1766, la première pierre de la nouvelle promenade est posée. Achevée en 1775, la place royale du Peyrou est alors considérée comme une des plus belles places du royaume, grâce à sa situation et à la vue exceptionnelle qu’elle offre.
Le Jardin du Peyrou, carte postale, vers 1900. Archives de Montpellier, 6 Fi 115.
Le Peyrou avant les travaux d’embellissement
Les travaux de terrassement et d’aplanissement de la butte du Peyrou commencent dès 1689. Sur ce plan, au centre, la statue équestre de Louis XIV est indiquée par un rectangle rose.
La ligne partant de l’extrémité de la place aménagée en fer à cheval dessine le tracé de l’aqueduc Saint-Clément. Erigé de 1753 à 1765, celui-ci est construit dans l’alignement de la place, de la statue du roi et de l’arc de triomphe.
L'arc de triomphe, comme le pont de pierre qui relie la place du Peyrou à la ville, sont l'œuvre de l'architecte Augustin Charles d'Aviler (1653-1701).
Carte tracé de l'aqueduc à la place du Peyrou, vers 1766. Archives de Montpellier, II 772, planche 1, détail.
Un monument à la gloire du roi
Conformément à la volonté royale, les Etats de Languedoc votent en 1685 l’érection d’une statue équestre de Louis XIV, commandée dès l’année suivante aux sculpteurs Pierre Mazeline (1632-1708) et Simon Hurtrelle (1648-1724).
Elle est réalisée d’après un dessin de Jules Hardouin Mansart. Un appel au « moins-disant » est lancé le 26 mai 1688 pour aménager une place près du collège des Jésuites (actuel musée Fabre) pour servir d’écrin à la statue du monarque. Mais c’est finalement la butte du Peyrou ("mont pierreux" en occitan), située à l’extérieur des remparts de la ville, qui est choisie en 1689. La statue, achevée en 1692, y est inaugurée en 1718.
Affiche d'adjudication du 19 mai 1688. Archives de Montpellier, DD 98.
Un état des lieux des aménagements réalisés en 1764
Les « Maire, Consuls et Députés de la ville de Montpellier » récapitulent dans un mémoire de six pages les aménagements réalisés depuis la décision des Etats de Languedoc en 1716 de « faire du Peyrou une place qui par ses embellissements [devienne] un monument aussi digne de la province… que du monarque à qui il étoit consacré ». La Ville, sensible « à l’honneur d’être choisie pour l’exécution d’une entreprise aussi glorieuse et flattée de se voir préférée à toutes les autres villes de la province », contribue financièrement au projet. En 1731, François de la Blottière, directeur des travaux publics, soumet un devis pour « mettre le Peyrou dans la ville » et « rendre une place aussi distinguée par les embellissements qu’elle l’est par sa situation ».
Mémoire présenté à l’assemblée des Etats de Languedoc en 1764. Archives de Montpellier, DD 98.
En 1731 est ordonnée la destruction du « couvent des religieux de la Mercy qui, situé sur cette place en bornoit la vue ». La destruction sera effective huit ans plus tard. En 1753, la Ville entreprend « de forcer la nature par des ouvrages qui ont conduit presque jusqu’au Peyrou […] un aqueduc et une fontaine ». Il convient maintenant de « couronner l’ouvrage » par les embellissements prévus depuis un demi-siècle. La Ville attend avec « douce espérance » la décision des Etats du Languedoc qu’elle « exécutera avec ardeur […] afin qu’un jour l’Etranger et le Citoyen puissent y voir sur le marbre et les preuves de son zèle et la gloire de la province ».
Ce mémoire est approuvé par l’assemblée des Etats le 17 janvier 1764.
Mémoire présenté à l’assemblée des Etats de Languedoc en 1764. Archives de Montpellier, DD 98.
Un concours d’architecte est alors lancé pour l’embellissement de la place. Les commissaires de la Province font appel au célèbre architecte Soufflot comme président du jury, mais celui-ci décline l'invitation. C'est donc une commission académique qui est chargée d'examiner les projets soumis.
Projet d'aménagement du Peyrou, vers 1764. Musée du Vieux Montpellier, D 2012.1.50.
29 décembre 1766 : cérémonie de pose de la première pierre du Peyrou
Le 29 décembre 1766, est posée la première pierre des travaux d’embellissement de la place du Peyrou, confiés à Jean Antoine Giral (1713-1787) et Jacques Donnat (1742-1827). Le Conseil de ville décide d’organiser ce jour-là une cérémonie festive par laquelle la Ville souhaite partager « toute la joye qu’elle ressent d’un pareil événement » et « témoigner pour elle toute sa reconnaissance » aux Etats de Languedoc, pour la prise en charge du projet. Seront invités « Monseigneur Le Prince de Beauveau », commissaire du roi, et l’archevêque de Narbonne, président des Etats et instigateurs des travaux. La Ville prend en charge les dépenses liées au déroulement de la cérémonie, qui sera notamment accompagnée par de la musique de « hautbois » et d’une danse de « chevalet ». Cette danse remontant au Moyen âge et prisée des Montpelliérains, était exécutée traditionnellement lors des cérémonies publiques officielles. Un jeune homme monté sur un cheval, est entouré d’autres jeunes danseurs, exécutant des mouvements cadencés au son des hautbois et des tambourins.
Délibération du Conseil de ville du 28 décembre 1766. Archives de Montpellier, BB 436, fol. 136.
Pose de la première pierre des travaux d’embellissement de la place royale du Peyrou
Monsieur de Cambaceres Maire a dit que l’ouvrage de la fontaine de St. Clément délibérée le 13 décembre 1751 ayant été fini et l’eau conduite sur la place royale du Peyrou où elle coula pour la première fois le 7 décembre 1765. Sur le mémoire fait par M Le Maire et présenté par le corps de ville aux députés du Conseil des Vingt-quatre à Nosseigneurs qui composent l’auguste assemblée des Etats, il fut délibéré par Nosseigneurs des Etats de décorer cette place ainsy qu’ils l’avoient projetté lorsque la figure équestre y fut placée, que la cérémonie de poser la première pierre de cet ouvrage ayant été indiqué au vingt-neuf du courant et avoit été délibéré par les Etats d’Inviter Messieurs les Commissaires du Roy et qu’elle seroit faite par Monseigneur le Prince de Beauveau le premier des Commissaires du Roy, et Monseigneur l’archevêque de Narbonne en présence du corps des Etats qui devoint y assister, qu’il est juste qu’en cette occasion la ville marque toute la joye qu’elle ressent d’un pareil événement aussi flatteur fasse la dépense nécessaire pour en témoigner pour elle toute sa reconnoissance.
L’assemblée après avoir entendu L’exposé fait par M le Maire a délibéré unanimement d’autoriser M Le Maire et Consuls de faire les dépenses qui seront Nécessaires à l’occasion de cette cérémonie, soit pour les hautbois, ou le chevalet, et sur l’Etat qui sera arretté par M Le Maire et Consuls le montant de cette dépense sera pris sur le fonds de la fontaine St Clement après qu’il aura plu à M L’intendant de permettre.
Le projet de la place royale du Peyrou en 1766
Ce plan aquarellé montre les aménagements réalisés de la place royale du Peyrou. Les allées basses sont plantées d’ormes, tandis que le terre-plein central est un vaste espace épuré, décoré par quatre parterres de gazon agencés de façon symétrique autour de la statue du roi. La place est conçue pour former un piédestal géant mettant en valeur la statue équestre placée en son centre.
Au sommet du réservoir-belvédère se dresse le château d’eau. Ce monument majestueux, construit à la manière d’un temple antique, crée un arrière-plan digne de la statue du roi. Les trois arches portant les canalisations au réservoir au-dessus des promenades basses, plus fines et élancées que les Arceaux traversant la vallée, créent un lien harmonieux entre l’aqueduc et le temple des eaux. Le prolongement de la place en contre-bas, englobant l’espace occupé aujourd’hui par la place Max-Rouquette, n’a jamais été réalisé (sections rehaussées de jaune projetées).
Plan de la place du Peyrou, s.d. [fin XVIIIe s.]. Archives de Montpellier, II 768.
La ville transformée par la construction du Peyrou
Sur ce plan aquarellé, des bandes de papier ont été collées pour indiquer les aménagements réalisés au XVIIIe siècle. Des dessins schématisés de l’Esplanade et la place du Peyrou y figurent. Une partie de l’espace englobé par la place royale était occupée auparavant par le couvent des Mercédaires qu’on devine par transparence sous la bande de papier. Le tracé des Arceaux de l’aqueduc nouvellement aménagé n’a pas été dessiné.
En revanche, ont été ajoutés des tracés verts qui représentent les conduites d’eau. Ces conduites partent du réservoir du Peyrou jusqu’aux casernes, hôpitaux et portes de la ville. Elles amènent également l’eau aux trois grandes fontaines monumentales en marbre commandées en 1773 pour être installées sur les places de l’Intendance, de la Canourgue et de l’Hôtel de Ville (actuelle place Jean-Jaurès).
Plan aquarellé de Montpellier figurant l'adduction d'eau, XVIIIe siècle. Archives de Montpellier, II 150.
La place du Peyrou en 1819
Depuis 1804, des allées ombragées ont été aménagées sur le terre-plein central pour l’agrément des promeneurs. La légende de ce plan de 1819 mentionne quatre « boulingrins » (lettre b) désignant des pelouses entourées de bordures (déformation de l'anglais bowling green par allusion au terrain gazonné sur lequel ce jeu britannique se pratique).
La lettre c indique « l’emplacement d’une statue équestre projetée ». La statue équestre du roi a en effet disparu, fondue sous la Révolution. Une copie en bronze de dimensions plus modestes y sera érigée en 1838.
Plan de la place du Peyrou, 1819. Archives de Montpellier, 2 Fi 188.
Le château d’eau construit en 1768 par Jean-Antoine Giral (1713-1787), a également été partiellement détruit pendant la période révolutionnaire. Sa coupole de pierre est remplacée par une structure métallique évoquant sa forme d’origine.
Château d'eau, gravure, 1819, détail. Archives de Montpellier, 2 Fi 188.
Afin d’assurer une vue dégagée, des arrêts du conseil du roi de 1775 et 1779 interdisent à tout bâtiment de dépasser le niveau de la promenade haute. Cette règle ne sera enfreinte par la suite que lors de l’édification de l’église Sainte-Anne en 1866.
Vue de la promenade du Peyrou vers 1820, aquarelle de Charles Abric. Archives de Montpellier, 14 Fi 2.
Le château d'eau du Peyrou, d'après Laurens, estampe, XIXe siècle. Musée du Vieux Montpellier, 2011.0.174.
La promenade du Peyrou, d'après Boilly, estampe, XIXe. siècle Musée du vieux Montpellier, 2011.0.78
Baignade interdite dans les bassins du Peyrou
Les grands bassins remplis d’eau fraîche sont convoités par les Montpelliérains. Afin de conserver la pureté des eaux et la propreté des lieux publics, la police est obligée de rappeler à intervalles réguliers la réglementation des promenades.
Cette ordonnance du 5 avril 1783 interdit de se « baigner » dans les bassins, mais aussi d’y « panser les chevaux », de « laver les chaises roulantes et autres voitures », « blé, batterie de cuisine » et « herbes », ou bien « d’intercepter ou détourner le cours ordinaire des eaux ».
Les personnes ne respectant pas ce règlement risquent une peine de 10 livres d’amende, voire de la prison « pour ceux qui se baigneront dans lesdits bassins ». Et les « pères, mères et maîtres » sont déclarés « civilement tenus et responsables des contraventions de leurs enfants, serviteurs et domestiques ».
Ordonnance du bureau de police, affiche, 1783. Archives de Montpellier, FF 216.
Le Peyrou en cartes postales
Depuis le 19e siècle, la place du Peyrou est prisée par les touristes et les promeneurs pour ses vastes espaces, ses allées ombragées, sa perspective et la beauté des monuments. Les socles de pierre entourant l’allée haute devaient initialement recevoir des statues d’hommes illustres, contemporains de Louis XIV, qui n’ont jamais été exécutées. Sur les deux socles encadrant l’entrée de l’allée centrale, sont installés depuis 1883 les lions et d’angelots du sculpteur biterrois Jean Antoine Injalbert (1845-1933). Les angelots symbolisent l’amour domptant la force, représentée par les lions.
La place du Peyrou emblème de la ville de Montpellier
Cette affiche dessinée en 1927 par Jean Julien (1878-1968) vante le patrimoine montpelliérain.
Siège de l’évêché, capitale d’une région viticole et célèbre pour son université de médecine, Montpellier est symbolisée par la cathédrale, des grappes de raisins et le caducée.
Le thème central de l’affiche reste cependant la place du Peyrou devenue emblème de la ville.
Affiche publicitaire de la Cie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée (PLM), 1927. Archives de Montpellier, 18 Fi 11.